Suscription.
Va lettre, va, va t en à l’adventure Droict à Clement, et s’il en faict lecture, Recorde toy de luy faire semonse Joyeusement de te donner response. Mais voyrement, amy Clement, Tout clerement, dys moy comment Tant, et pourquoy tu te tiens coy D’escrire à moy, qui suis à toy ? T’ay je laissé par le passé, T’ay je offensé, ou courroussé ? Ay je à ton dict, et intendict, En faict, ou dict, rien contredict ? Ay je à ton nom, donné renom, Autre que bon ? tu sçais que non : Ny ne vouldroys, et ne sçaurois, Tant sont tes droicts justes et droicts Devant les yeulx de tous les Dieux, Et demy Dieux, jeunes et vieulx. J’atteste, et jure, et en rejure, Qu’aucune injure, ou malle augure, Nul laps de temps, ne lieux distans, Escripts, lactens, ne vieulx Satans, N’ont peu avoir force et povoir De concevoir : c’est assavoir, Un seul congé, qu’aye songé, En son plongé, d’avoir changé, Ne rien osté, de mon costé, En loyaulté et feaulté De nostre amour, par un seul tour, Depuis le jour de ton retour. Mais tant s’en fault, qu’un tel deffault, En froit ou chault, ayt faict le sault En mon pourpris, que n’ays repris, Qui ne t’a pris, pour un grand prix. Or donc, amy, de ton amy, Qui ennemy n’as un demy, Que veulx tu dire ? Est ce pour rire, Que de proscrire et interdire, Une amour vieille ? O grand’ merveille ! Quand je sommeille, elle m’esveille, Et dys ainsi : "Dieu qu’est ce cy ? Cest homme icy, est il transy ? Ses bons esprits, ses beaulx escripts De si hault prix, sont ilz prescripts ? Son cueur humain, tant pur et plain De bon levain, changé de main Auroit il bien, pour quelque bien Qu’il se veoit sien ? Je n’en croy rien : Car les effects, de ses beaulx faicts, N’ont esté faicts, si contrefaicts. Et quant et quant, il m’ayme tant Que luy estant, bien mal contant, Il ne sçauroit, quand il vouldroit, Or qu’il eust droict, en mon endroit, S’en ressentir, ne consentir, Sans en mentir, à moy martyr ; Car sçait il pas que tous noz pas, Et tous noz cas, sont par compas Comptez, nombrez et denombrez, Puis obombrez, et adombrez ? Si faict, si faict : bien il le sçait, Le tout parfaict, bien luy a faict Veoir et comprendre, et tant apprendre, Qu’il en peult vendre et en espendre. Et davantage, il est de l’aage, Et du pellage, où l’homme est sage, Ou jamais non. Et puis son nom, D’estre tout bon, a le renom." Or donc, Clement, tout clerement, Bien seurement et promptement, Escripts pourquoy tu te tiens coy De tenir loy, au second toy, Qui est icy, sans grand soucy, La Dieu mercy, et toy aussi. C’est à Ferrare, au huictiesme An De la sienne proscription, Mais à la tienne intention, Que ce soit le dernier. Amen.