Nobles François, et Françoises,
Laissés-là ces vieux romans :
Laissés ces fables Gauloises
Vrais songes de gens dormans.
Laissés la vene Essardine,
Les doux espritz allechant,
Comme la tourbe oyseline
L’oyseleur de son doux chant.
Laissés
cil qui au dixiesme
Et n’en desplaise au neufviesme
Si le perfait nombre est : dix.
Laissés la rage et manie
De Roland, qui est sans sel,
Et son Amour soit honnie
Veu que son stile est tel quel.
Mais les cent doctes nouvelles
De
Maçon ont plus de nez,
Et plus les amours tants belles
Du François Teagenés.
Les songes de Polyphile
Me semblent plus gracieux,
Et le poignant et doux stile
De
Rabelais vaut bien mieux.
Mais leur mignarde lecture
Laisse, quiconque tu sois,
Et la fraze docte et pure
Du
grand Pindare François.
Laisse
sa Cassandre belle
Et ses bontez et vertus,
Laisse l’Europe nouvelle,
Et les combatz d’Ilyon,
Heureux en traduction.
Laisse la triste Delie
Qui rend les doctes contens,
Laisse tout, je te suplie,
J’enten tout, pour quelque temps.
Et vien veoir ce vert bocage,
Qui est né tout à propos
Pour donner un doux umbrage
A l’amy de bon repos.
Et pour donner allegence
Et un grand contentement
A l’esprit, qui de science
Et de sçavoir est gourment.
L’œil rit, et l’esprit se baigne
Apres la diversité
L’œil fuyt et l’esprit desdaigne
Une mesme qualité.
Icy sont diverses antes
Et les fruitz y sont divers,
En toutes saisons les plantes
Et les arbres y sont vers.
La forest Calidonie,
Terreur à tous estrangers,
Ardene, et la Hercinie,
Sont norrices des dangers.
Ceste forest n’est point telle
Car on n’y voit jamais Mars,
Ny Bellone la cruelle
Ny ses lances, ny ses dars.
La chasseresse Trivie
Ne vient point dedans ces bois,
Mais on y voit Uranie
Et ses huict seurs plusieurs fois.
Apollon meine la dance
Par les plus touffuz destours ;
Pallas y fait residence,
Laissant ses chasteaux et tours.
Et Phisis et sa Magie
S’ayment parmy ces sentiers,
La Sainte Theologie
S’y promaine volontiers.
Ceste forest fut plantée
En plusieurs et divers lieux,
Mais par tout elle est gastée
Fors qu’en France, où elle est mieux.
Or si vous la voyés riche
De nouveaux petits sions
Et si elle n’est en friche
Comme aux autres nacions,
Vous en devés rendre graces
Gruget, amy des trois graces
Et du Dieu Latonien.
Cœlum, non Solum