Habert François, "Muses sortez de voz forestz, et lieux"

 Transcription: id 47890
Incipit
Muses sortez de voz forestz, et lieux
Titre
Estrene pour le petit Duc de Bretaigne Filz de monseigneur le Daulphin
Transcription
Muses sortez de voz forestz, et lieux
Où vous prenez esbat ou nourriture,
Et amenez avecques vous les Dieux
Qui de sçavoir et des lettres ont cure,
Je vous supply que chascune procure
Veoir à ce jour ce beau Royal Enfant.
Celle qui mieulx l’estrenera, je jure
Qu’elle entrera en renom triumphant.
Ce jour joyeux, tristesse vous defend :
Chascune soit de rire auctorisee.
Chantez, de joye un noble cueur se fend
D’ouyr le son de voix organisee.
Ne venez pas en turbe divisée,
Ains soient voz cueurs unis et assemblez :
Car la Musique est lourde et mal prisée,
Quand on congnoist Chantres desassemblez.
N’ayez les cueurs ne dolens ne troublez,
Faictes du Duc Françoys un beau Cantique,
Et augmentez voz accords, et doublez
Autour du Bers de l’Enfant la musique.
Chantez le loz illustre et magnifique
Du Lis Royal qui le Bers environne.
Chantez qu’un jour cest Enfant pacifique,
Possedera Diademe ou Couronne.
Finy l’accord de la voix qui resonne,
Faictes Dixains, Ballades et Rondeaux.
Accompagnez d’estrene qui soit bonne,
Pour l’estrener d’ouvrages tous nouveaux.
Dictes qu’il ha grand beaulté sur les beaux,
Que son Ayeul et Pere il represente.
Faictes sortir Naiades de leurs eaux,
Et que leur voix à ses honneurs consente.
Donnez au Duc la Couronne recente
De verd Laurier, Cynamome et Cyprès,
Qu’un jour viendra où par directe sente
On le viendra honnorer de plus près.
Delivrez luy l’Olive tout exprès,
De ce Rameau il est capable et digne.
L’occasion vous en sçaurez après,
Pource que c’est de Concorde le signe.
Muses ainsi (ô Prince tres insigne)
T’estreneront, et mieulx que je ne dy.
Moy ce pendant (bien que j’en soys indigne)
De t’estrener ne seray refroidy.
A ces honneurs point je ne contredy,
Qu’à ce jour cy te donneront les Muses :
Mais d’un Cerveau plus sage qu’estourdy
Je chanteray tes louanges diffuses :
Priant à Dieu que cinquante ans tu uses
Doublez deux foys pour gouverner la France,
Pour la garder des finesses et ruses
Qui la pourroient retenir en souffrance.
Dieu te doint tant de vive temperance
Qu’à noz souhaitz tu puisses aspirer,
En ensuyvant la Royalle asseurance,
Qui par tel hoir n’ha garde d’empirer.
Il ne te fault (France) plus souspirer
Pour les assaulx qui estoient infinis,
Car on verra ceste guerre expirer,
Veuz les deux Roys fidelement unis.
Toy, Duc Françoys, plus riant qu’Adonis,
D’un ris plaisant vien estrener ta mere :
Monstre par signe estre les maulx finis
Qui nous faisoient sentir douleur amere.
Auprès de toy rira mainte commere
Enfant Foyal par ton accroissement :
Car attendant ton aage qu’on espere
Tu donneras à tous contentement.
Ton gay maintien sera le truchement,
Pour expliquer ce que tu ne peulx dire,
Pour le Poëte autant d’or seulement
Que tu feras ta gouvernante rire.
Le temps escheu que l’on orra ton dire,
Tu sçauras mieulx combien vault ton honneur.
Il n’y aura sur toy rien à redire,
Tu le tiendras du celeste Donneur.
Certes c’est luy qui aux hommes donne heur,
C’est luy qui t’ha aymé d’amour loyalle,
C’est luy qui est des bienfaictz guerdonneur,
Et protecteur de ta race Royalle.
Il tient soubz luy puissance Imperialle,
Et si est plein de toute humilité.
Nous sommes tous sa race filialle,
Si nous avons pure tranquilité.
C’est luy d’où vient toute fertilité,
Qui pour nourrir l’homme croist sur les champs ;
C’est luy qui donne aussi sterilité,
Quand il congnoist noz vouloirs trebuschans.
Ma Muse donc, esleve icy tes chans,
Ce premier jour de la presente année,
En priant Dieu que des hommes meschans
Il lave en Foy l’Ame contaminée.
Soit, Royal Duc, ta personne estrenée
D’un doulx sommeil pour ton cry appaiser,
Où ta Nourrice heureuse d’estre née
Sinon en temps ne te vienne baiser.
En ta faveur Dieu vueille nous aiser,
Chassant de nous indigence et famine ;
Tranquile Paix daigne en noz cueurs causer
Dilection comme CHRIST le termine.
Charnalité ses appetis domine,
Dedans noz cueurs se perde ambition.
Bref, un chascun propose et determine
L’un avec l’autre avoir dilection.
En ta faveur loing de detraction
Dieu nous appelle à sa Saincte escripture :
Nous recongnoisse en nostre affliction,
Comme sa povre et humble creature,
Que nous puissions reparer la jacture
Dont nous avons quasi les cueurs faillis,
Avoir enfin des haults Cieulx l’ouverture,
Malgré Satan qui nous ha assaillis.
C’est le brigand qui est dans le taillis,
Qui jour et nuict à passer nous espie.
Mais si les dons de Dieu sont recueillis,
Nous ne craindrons si dangereuse espie.
Ne perdons pas du livre la copie,
Qui le livre est de vie et de salut,
Dont je criray aussi hault qu’une Pie
Qu’il est meilleur qu’un Ducat ou Salut.
Dieu Eternel qui t’envoyer voulut,
Enfant Royal, en la basse contrée,
Garde ta Mere ores qui tant valut
Qu’au Lis Royal elle s’est rencontrée.
Tresheureuse est en France son entrée,
Tresheureux est le fruict qui d’elle vient.
De son odeur la France est penetrée,
Je dy odeur que priser il convient.
Tout c’est heur là de ta faveur provient,
Duc des Bretons, ta Royalle naissance
Faict que de dueil plus il ne nous souvient.
Et tant nous plaist de toy la congnoissance,
Que desormais croistra nostre puissance
Par ton regard, courtoys et gracieux,
Dont nous croyons que la divine essence,
Nous ha transmis un tel thresor des Cieulx.
Advancez vous, les ans delicieux
Du jeune Enfant, pour l’advancer au monde ;
Advancez vous, car il espere mieulx
Pour l’entretien de la machine ronde.
Cheveulx, couvrez par tout sa teste blonde,
Dents de cristal, abondamment sortez,
Piedz delicatz ayans chair pure et munde,
Puis ça puis là, le petit Duc portez.
Croissez les yeulx, qui l’Esprit confortez,
Croissez les bras, langue aprens à parler,
Et vous aussi, aureilles, rapportez
Ce que sa langue aura peu reveler.
Bref, tout le corps nous face esmerveiller,
De croistre en bref par raison et mesure.
Voilà Habert qui ne se peult celer,
Qui ton Estrene au gré de Dieu mesure.
Copiste
Claire Sicard
 
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