Habert François, "Or est il nay le desiré Enfant"

 Transcription: id 47884
Incipit
Or est il nay le desiré Enfant
Titre
L’invention sur la naissance de Monseigneur le Duc de Bretaigne Filz de Monseigneur le Daulphin
Transcription
Or est il nay le desiré Enfant,
Faict et conceu de semence Royale :
Or est yssu du Daulphin triumphant,
Le Duc Françoys de branche Liliale :
Louée en soit ton Espouse loyalle
Noble Daulphin, plus grand que ceulx de Mer :
Louée en soit l’Ordonnance fatale,
Que je debvoys premierement nommer.
La cruaulté qui se voulut armer
Contre le cours du Daulphin mys en cendre,
Ores ne peult destruire ou consumer
Cil dont on voit un Heritier descendre,
Au Royal sceptre habile de pretendre :
Mesmes celluy qui voit son Enfant né,
N’est plus enfant, n’est plus debile et tendre,
Pour s’estonner de l’Aigle couronné.
O Roy Françoys d’honneurs environné,
Roy le plus beau qu’on veit oncques sur terre,
Recognoys l’heur dont tu es guerdonné,
Où tu ne peulx sinon liesse acquerre.
Desloyaulté qui te faisoit la guerre,
Creu le Rameau du grand Lis, tremblera,
Et l’aggresseur qui nous tenoit en serre,
En crainte et peur se desassemblera.
Pour t’obeyr chascun s’assemblera
Le glaive en main, pour l’Ennemy combatre,
Car à tous ceulx la force doublera,
Que long travail ha menacé de batre,
Royal Daulphin, ce pendant pour t’esbatre,
Tu as le lieu, si en as l’appetit,
De cent plaisirs au lieu de troys ou quatre,
Par le regard de ton Enfant petit.
Douleur si grand la mere n’en sentit
En proposant à noz yeulx ton ouvrage,
Comme son cueur à rire consentit
Voyant par elle estre creu ton lignage.
Noble Daulphine au pudique courage,
Certainement ton soulas est bien grand :
Car tu as eu un si bel advantage,
Qu’il est pour vray tout autre denigrant,
Dieu ha ouy ton hault cry penetrant,
Du chaste lict où tu estoys couchée,
Et ha voulu que d’un beau Filz entrant
Au sang Royal, tu fusses accouchée,
Ce hault secret de volunté cachée,
Finablement vient à son plein effect.
Le cas appert, la branche est empeschée
D’un fruict nouveau, accomply et parfaict.
Tel fruict vault bien d’estre exprimé par faict
Sur tous les fruictz tant soient ilz savoureux :
Esté n’y ha tant soit chauld ou infect,
Pour emortir ce fruict tant amoureux.
Crainte il n’a point de l’hyver rigoureux,
Car en tout temps de liesse pasmée
(Dont à bon droict j’estime l’arbre heureux)
France en sera de l’odeur embasmée.
Toy Filz de Roy, personne tant aymée,
Racompte un peu ta liesse, de veoir
Au naturel Creature formée.
Si de ta voix on ne le peult sçavoir,
Ta face en faict son office et debvoir.
O graine heureuse, et semée en deu temps,
Ores voyons que Dieu ha le pouvoir,
En ta faveur nous rendre tous contents.
Duc nouveau nay qui encores n’entends
Droict, ne raison, ne maniere de vivre,
Prens aux tetins ta Nourrisse, et attends
Maturité que ton aage peult suyvre,
Voulant ton Pere et Peregrand ensuyvre.
Toy ce pendant Apollo, et vous Muses,
Gravez en boys, en Parchemin, ou Cuyvre
D’enfant si beau les louanges diffuses.
Ne vous monstrez en cest endroict confuses,
Et ne chantez de rurale Musique
Qui sent le son de vieilles cornemuses,
Entremeslez sa louange authentique
Tant que pouvrrez de doulceur Poëtique,
A qui mieulx mieulx : celle qui mieulx dira
Aura le don d’un chapeau magnifique
Par Apollo qui le Juge sera.
Et quand le Duc plus grand notice aura,
Ayant sorti les limites d’enfance,
Croyez alors qu’il recompensera
De voz Espritz les labeurs d’excellence.
Luy mesmement, en peine et vigilance
Entretiendra vostre vacation.
Et quelque foys las de rompre la Lance,
Lira la lettre où gist perfection.
Non pas la lettre où gist corruption,
Faulse doctrine envers Dieu reprouvée,
Mais Saincte et pure, où superstition
En quelque temps ne luy sera trouvée :
Car dès long temps ceste race approuvée,
De la Foy pure ha aymé l’entretien ;
Et sa constance y est si esprouvée,
Qu’on dict le Roy Françoys, Roy Treschrestien.
C’est luy duquel depend tout nostre bien,
Et par qui sont les lettres entendues ;
C’est luy qui ha (dire je l’ose bien)
Entre noz mains lettres Sainctes rendues,
Par ignorance et mensonge perdues.
Puis qu’il ha donc restauré ceste perte,
Nous congnoissons par raisons non indeues,
Que la science est par luy recouverte.
Ses deux Enfants qui ont la voye ouverte,
En ce sçavoir divin et de hault pris,
Demonstrent bien par raison descouverte,
Qu’ilz sont tous deux en cela bien appris.
En leur cerveau tant de bien est compris,
Tant de Vertu, et haulte congnoissance,
Que celuy est digne d’estre repris,
Qui ne leur faict par tout obeissance,
Muses, mettez voz dictz en evidence,
Au nom du Duc qu’il vous convient louer :
Matiere assez vous donne sa naissance,
Là vous debvez tous vos Espritz vouer,
Le grand Daulphin vous en veult advouer :
Car dès long temps vostre veine il ha veue.
Celle qui mieulx pourra l’Enfant douer,
Sera par luy bien haultement pourveue.
Ne vous chargez de louange impourveue,
Qui sont sans grace, et sans maturité :
Car la leçon en faict mal à la veue
De ceulx qui sont en grand auctorité.
Dictes qu’il ha un sceptre merité
Apres la mort de son Pere et grand Pere.
Dictes qu’il ha presage limité,
D’aymer celluy qui Terre et Ciel tempere.
Paignez au vif l’Enfant que l’on espere
Veoir quelque jour un liberal donneur,
Et escripvez, que si plus il prospere
Il sera chef de France, et Gouverneur.
Puis suppliez au plus hault guerdonneur
Qu’il face en bref un si bel Enfant croistre,
Qu’il ha voulu au profict et honneur
Du bien publique en temps opportun naistre.
Fin de la naissance du Duc de Bretaigne
Copiste
Claire Sicard
 
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