Au lieu d’Evreux,
noble Daulphin royal,
Comme ton serf le plus humble et loyal,
Je me montray aux rayons de ta veue,
D’un jugement plus que royal pourveue,
Là il te pleut ce Livre recevoir,
Où ma Pallas faict assez son debvoir
De racompter qu’elle est regenerée
En Jesuchrist, pour mieulx estre asseurée
D’un tel Autheur qui son pareil n’a point.
Au lieu susdict charité qui te poingt
Est le moyen qu’argent on me delivre
Pour mettre un peu
le Poëte à delivre :
Mais ce n’estoit l’heur où je pretendois :
Car dès long temps à ce but je tendois,
Où je verrois l’opportune saison,
D’estre receu le moindre en ta maison
Pour t’obeir, et pour faire ma Muse
Distiller vers en ta louange infuse.
A quoy divers Seigneurs de qualité,
Me promettoient seure tranquilité
Sans le discord et oultrage de Mars,
Qui meit en Loy voulges et braquemars.
Dont esperant que l’octroy attendu
Ne pourroit pas un jour estre perdu
Hors de tes yeulx,
ma personne distraicte,
Ha faict depuis à Paris sa retraicte,
Où j’ay voulu rediger par escript
Celle Pallas, parlant de Jesuchrist,
Que je t’avois à Evreux presentée,
Mais non si bien de vives fleurs plantée
Comme à present : car pour la mettre au vent,
J’ay bien voulu la reveoir si souvent
Qu’il n’y eust rien qui ne fust aggreable
Aux yeulx aymans doctrine veritable,
Où j’ay voulu (pour mieulx y adjouster)
Maintz arbrisseaux du beau jardin planter,
Duquel ne peult nul arrouser la rive
D’eau de Cysterne, ains d’eau liquide et vive,
Prise au milieu de l’Evangile sainct,
Dont ton cueur est environné et ceinct.
Si ma Pallas est par toy advisée,
Tu la diras autrement divisée
Que la premiere, où je n’avoys le temps,
Rendre les yeulx de mon labeur, contents :
Car pour monstrer ma prompte obeissance,
J’avoys escript en toute diligence.
Mais proposant par façon coustumiere
Ceste Pallas exposer en lumiere,
Pour apres mort rendre immortel ton nom,
J’ay bien voulu depaindre son renom
Plus vifvement, pour apprendre le rolle
Aux Amoureux de la Saincte parolle,
Et pour te faire à sçavoir le desir,
Que mon cueur prend à te donner plaisir.
Te suppliant en gré ce livre prendre,
Daulphin royal, et à
ton serf entendre,
Si qu’à ce coup si bien on le pourvoye,
Que desormais plus il ne se forvoye.
En m’ordonnant en ta maison un lieu
Pour te servir sur tout,
Prince, après Dieu.
Et ce pendant je te feray promesse,
Si bien user le temps de ma jeunesse,
Que ton hault cueur ne sera point marry
D’avoir trouvé un Poëte en Berry.