Dodier Mathurin, "Humeur facheux, humeur inique"

 Transcription: id 47882
Incipit
Humeur facheux, humeur inique
Titre
Blason de l’humeur melancholique
Transcription
Humeur facheux, humeur inique Humeur du tout melancholique En quelle espece de mes vers Descripray je tes tours pervers ? O humeur, humeur tyrannique Que malheureuse est ta fabricque Humeur vilain, et ennuyeux Humeur faict en despit des dieux. Vray est que Dieu le corps humain Forma de sa celeste main De quatre humeurs bien temperez Aux quatre elemens comparez Entre lesquelz s’il n’y a guerre L’homme vit joyeulx sus la terre. Mais quoy ? si grande est ta malice Que tu livres tousjours la lisse A tes compagnons et consors En les voulant jetter dehors, Tu tasches à les dominer Et de tout en tout ruiner, Et, qui pis est, tu prens plaisir Laisser les meschantz et choysir Les gens de bien pour ta demeure. O humeur né à la malheure ! C’est toy, par qui d’heure nocturne Contrainct par Juppiter, Saturne, Fut se cacher en Italye, C’est toy, vieille melancholye Par qui jadis ce Vulcanus Fut jaloux de dame Venus. C’est toy, par qui dame Didon, Qui avoit mis son Cupidon Du tout en son mary Sithée, S’est à la mort precipitée. Humeur palle, humeur chassieux, Humeur qui les hommes vieulx, C’est toy, par qui Penelopé Eut le cerveau enveloppé De mille soulcis et pensées, Qui tant furent recompensées : C’est toy, qui Hero d’une tour, Voyant son amy à l’entour Mort estendu sus le rivage Feis precipiter par ta rage. C’est toy, par qui Dame Tisbée Se tua de la propre espée De son bien aymé Piramus. Tu es toute plaine d’abus Dès la creation du monde. Viença malheureuse et immunde, Douze ans y a que prens plaisir D’une dame d’honneur saisir Et semble par une vengeance Qu’elle n’aura point d’allegeance : Mais, dy moy, quel plaisir prens tu Fascher les dames de vertu ? Sus vieilles gens, et saturniques Tu doibz exercer tes practiques, Non pas sus ces honnestes dames Vertueuse de corps et d’ames. Celles de qui j’ay fait memoire, Elles estoient (chose notoire) De l’amour impudic’ esprises, Lors on louoit tes entreprises. Mais ceste cy est bien de celles Qui ne sentirent estincelles Du feu d’amour jour de leur vie, Ains tout leur espoir et envie Est vivre vertueusement Sans offencer aucunement, Et toy, rempli de vitupere, Ne permectz chose estre prospere, De toutes partz en ces bas lieux, Ains tousjours tu es soulcieux De tourmenter les bons espritz De toute honnesteté espris. Que vauldroit mieulx sus ces caphars Exercer tes cauteleux ars Que de son long temps entreprendre De macter ce corps jeune et tendre. Viença, vien, malheureux humeur ! Mais pourquoy fais tu si grand peur A ce corps noble et magnanime ? Ton pouvoir est il si sublime Que son cueur hault et genereux Devienne ainsi par toy paoureux ? Bien, bien faitz ce que tu pourras ! Toutefois tu en sortiras, Non par Syrops ou Apozemes Ne Juleps, et drogues de mesmes, Car desormais (comme j’estime) Usera de si bon regime Que te donnera à entendre Qu’à autre lieu te devois prendre. A ce printemps gay et joyeulx S’esjouyra de mieulx en mieulx De jour en jour s’exercera De plus en plus s’efforcera Elle ostera tous ses scrupules Et desormais d’affaires nulles Personne ne luy parlera Point on ne la colerera En tous esbatementz servies Sera le surplus de sa vie. Ainsi toy, malheureux humeur, De tout bon plaisir escumeur Contrainct de t’accorder seras Et plus tu ne molesteras Ceste dame tant magnanime Mais plustost sera unanime Avec tes trois freres germains Dedans ce corps loué de maintz. Ainsi, d’une voix souveraine, Dira ceste Dame bien saine : "A dieu Burgensis medecin Qui entretiens nostre roy sain, A dieu Frenel grave sur tous, Et à dieu de Gorris le doulx, A dieu Felot et Myrebeau De plus vous hanter n’est pas beau, Adieu Dodier mon ordinaire, Adieu Gerion Apoticaire !" Finablement ceste maison Encores voirra la saison Qu’il en sortira des enfans En toute vertu triumphans Qui bien reduiront en memoire, De la Noue l’antique gloire. Fin
Source
Exemplaire non numérisé de : Briefve instruction pour vivre longuement en santé, Paris, Etienne Denise, 1556 (USA, Bethesda, National Library of Medicine)
Copiste
Claire Sicard
 
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