Synthèse
L’histoire fabuleuse de Barthélemy Aneau, Alector ou le coq (1560) illustre la conscience grandissante de la Renaissance pour le globe terrestre et son espace. Les nouvelles façons de voir l’espace global se sont développées en même temps que les sympathies cosmopolites de certains humanistes de la Renaissance, en particulier en ce qui concerne leur enthousiasme pour la république mondiale. Dans cet article, l’auteur montre comment la trame narrative d’Aneau illustre une vision idéalisée du rôle global du roi de France. On y analyse qu’Alector est écrit dans l’esprit du manuel du prince, en mettant l’accent particulièrement sur l’obligation qu’a le roi de maîtriser l’espace de navigation, illustrant l’idée au XVIe siècle que la connaissance géographique se situe au coeur de la gouvernance. Aneau crée un pastiche de mythes de fondation française et de sources géographiques afin de souligner à la fois la prééminence du roi de France et son rayonnement mondial. Certains éléments de la tradition hermétique peuvent également être retracés dans Alector, puisque l’espace y fonctionne comme une allégorie de la conception d’Aneau de la place de la France dans le cosmos. De cette façon, son œuvre est similaire à celle de son contemporain, Guillaume Postel, qui se décrivait lui-même comme un cosmopolite. Enfin, un décalage s’observe entre la géographie réelle évoquée dans Alector et le cadre fictionnel qui l’abrite. Ce décalage souligne à son tour la nature paradoxale d’un cosmopolitisme voulant intégrer les nationalismes, ce qui représente bien une question complexe et non résolue pour les citoyens du monde en devenir de la Renaissance.