Tous les escriz injurieux
Que t’a transmis un furieux
Ne meritent response :
Toutesfois seulement pour rire,
Tu luy peux quelque chose escrire,
Digne de sa semonce.
Souhaitte que le sens luy faille,
Que son savoir rien ne luy vaille
Ny en ditz ni en faitz :
S’il s’entremet de quelque affaire,
Jamais ne le puisse parfaire,
Mais tombe soubz le fais.
En mille lieux son penser mette,
Faveur, Amour, biens se promette
A part en son courage :
Puis tout soudain à soy reviene,
Et si desesperé se tiene,
Qu’il en creve de rage.
Qu’il se peigne en son cerveau creux
Sage, riche, savant et preux
Brave, et plein de vertu :
Veuille fraper, mordre, tuer :
Mais quand viendra aux coups ruer,
Soit le premier batu.
Perde tout le bien qu’il possede,
Rien qu’à rebours ne luy succede,
Quoy qu’il puisse esperer :
En ses amis point ne se fie,
Tous ceux ausquelz il porte envie
Il voye prosperer.
De tous empruntz qu’il pourra faire,
Soit à tous coups pour satisfaire
Ajourné ou cité :
Si quelcun vient à luy devoir,
Jamais n’en puisse rien avoir
A sa necessité.
De proces jamais il ne sorte,
Mais maugré luy en quelque sorte,
De l’un en l’autre tombe :
Et puis ayant bien attendu,
Tout son temps et bien despendu,
A la fin il succombe.
Qu’il ait quand il ira par voye,
Tousjours la pluye, ou se forvoye,
Courant toute la course,
Sans que nul le chemin luy monstre :
Et au soir le brigant rencontre,
Qui luy oste la bourse.
Homme n’y ait qui le racueille,
Ou quiconque loger le veuille,
N’entende son langage :
Le lendemain tout mal traitté,
De son hoste soit arresté,
S’il ne luy laisse gage.
Et puis apres longue saison,
En entrant dedens sa maison,
Y trouve le sergent :
Petitz enfans mourans de fain,
En la huche morseau de pain,
Au coffre, point d’argent.
Femme qui luy cacquette et grongne,
Valet larron, joueur, yvrongne,
Mensonger et superbe :
Foyer obscur et enfumé,
Avec un pot mal escumé,
Sans sel, saveur ny herbe.
Si alle coucher, mal à son aise
Aupres d'une femme punaise,
Que peu ou point ne dorme :
De ses songes tous les plus beauz
Soient tenebres, prisons, corbeauz,
Et toute chose enorme.
S’il fait quelque aggreable songe,
Qu’il se convertisse en mensonge,
Et ce, bien brievement :
Et s’il en fait d’espoventables,
Qu’ilz se treuvent tous veritables
Consecutivement.
En esté ne trouve point d’ombre,
Les mousches luy facent encombre,
De chaud et de soif meure :
Puis quant l’hyver sera venu,
A la gelée pauvre et nu
En la Beausse demeure.
De jour, soit qu’il entre ou qu’il sorte,
Se heurte la teste à la porte,
Souz merci de barbier :
La nuit il trouve pour embusche
Une charrette ou une busche,
Ou tombe en un bourbier.
S’il est à l’amour addonné,
Des Dames il soit blasonné,
Sans qu’il s’en apperçoive :
D’une vieille de laideur pleine,
Encor’ que ce soit à grand’ peine,
Son passetemps reçoive.
Si pour jouer se met en bende,
De son bien tant il y despende
Qu’il n’en demeure plus :
S’il a vint et un et demy,
Aviene que son ennemy
Rencontre un petit flus.
En pauvreté puisse vieillir,
La fiëvre le viene accueuillir,
Ne meure ne guerisse :
Ne trouve point de meilleur lieu,
Qu’un estable ou un Hostel dieu,
Quand faudra qu’il perisse.
Ou pour un larcin ou forfait,
Encores qu’il ne l’ait pas fait,
En prison soit trainé :
Là où ayant long temps vescu,
A la fin il soit convaincu,
Et au gibet mené.
Tout cela seras souhaittant
A celuy là qui te hait tant,
Et qui te fait la guerre :
Ou si ton souhait trop le griëve,
Meure de mort subite et brieve
En eau, feu, air, ou terre.