❧ A Madame Claude de Vineu, Gouvernante de la trescatholique Royne d’Espagne, I.P. S.
Ma Dame, je ne me suis jamais proposé autre meilleure fin (escrivant en la langue Françoyse) que de fere chose qui vous fut agreable, mesmes (qu’à mon jugement) je ne sçaiche Dame, de mesme rang et qualité que vous, meriter mieux ce petit Chant (combien que indigne), pour vous veoir munie de toutes bonnes, singulieres et recommandables vertus, et à qui me deusse plustost adresser : non moins pour esperer que par vostre main et authorité le pourrois presenter à mondit Seigneur le Duc de Savoye (Prince premier qui soit esté depuis l’origine de tous ses ancestres et ayeux magnanimes ; Prince, dy-je, digne plustost d’un Royaume, luy qu’on a toujours veu (et voit on encor) fleurir en bonnes lettres, s’immortaliser en doctes escris, se façonner en vertueux exercices, se reveiller aux plus dignes inventions, se polir en toutes recommandables vertus, lever la teste ; brief, luy mesmes qui s’est azardé comme l’un de ses gendarmes aux plus horribles dangers, n’ayant autre Fort devant luy pour faire teste à son ennemy que sa vaillance, magnanimité et vertu ; luy seul qui a mesprisé sa vie cent mille et mille fois pour soustenir son droict, et redoubler la gloire et bien de ses subjectz) que pour l’ardant desir qu’ay de toujours eu pour mon deu debvoir envers vous, de faire service à vostre seigneurie, lequel (tant qu’auray ressentiment de vie et quelque coignoissance des choses excellentes et dignes d’admiration) m’abstrains, soumés et oblige, de vous adresser tous les emolumens et revenus de mes petits travaux, lesquelz s’il vous plaict les recevoir et prendre en bonne part d’aussi bon cueur que j’espere vous montrer qu’ils vous sont librement consacrés et deus, m’en ressentiray heureux à perpetuité. A quoy vous supliray treshumblement ne desdaigner mon continuel service en un autre petit traicté auquel verrés, moyennant vostre faveur et ayde, les vertus et graces tresgrandes de la Royne catholique, que Dieu luy a si abondamment conferees et eslargies, representant par icelles, comme en une paincture, ymage ou istoire, ce qui est dedans le cueur de son tresillustre sang et lignee. Pour, par ce moyen (et à bon droict), après une treslongue et tresheureuse vie, immortaliser ses vertueuses fins et perpetuer vostre bonne renommee.
De Paris, ce 15. Juing. 1559.