Noble Daulphine en bonté fortunée,
En ensuyvant la coustume ordonnée,
De presenter son estrene à ce jour
Ma muse va devers toy sans sejour
Pour t’estrener, non pas d’un Rubis fin,
Non pas d’un don d’un Prince, ou d’un Daulphin,
Ou don de Roy, mais bien d’un petit livre,
Qu’entre tes mains humblement je te livre
Comme ton serf humble et obeissant,
Et amateur de ton nom florissant.
Tu seras donc de mon livre estrenée,
Princesse heureuse, avant que d’estre née.
C’est la Juno que ton visage humain
Receut de moy bien escripte à la main,
Qui à Lyon par vers un peu plus meurs
Se mect au vent par les bons Imprimeurs,
Entre lesquelz celuy qui seul l’imprime
N’a merité que son œuvre on deprime.
Donc je te prie ô Princesse d’honneur
Reçoy en gré l’Estrene et le Donneur.
Outre le don duquel je te pourvoye,
Je te fais don d’une immortelle joye,
En t’estrenant d’une tranquilité
Qui à l’Esprit donne immortalité ;
En t’estrenant d’un regard savoureux
De ton Dauphin Prince chevaleureux ;
En t’estrenant d’un ris doulx et affable,
Du petit Duc, ton Filz tant amyable,
Qui à ce jour par soulas qui le touche
Pour rire à plain ne faict qu’ouvrir la bouche,
Monstrant desja par signe triumphant,
Ce qu’il diroit s’il n’estoit plus enfant.
Mais quand sorty il sera hors d’enfance,
Il te dira luymesme ce qu’il pense,
Rien ne pensant qui ne soit tout Royal,
Tout magnifique et tout seigneurial ;
Rien ne dira qui ne soit bon à dire,
Et où doulceur ne se trouve en son dire ;
Rien ne fera qui ne soit de hault preis,
Et qui ne soit haultement entrepris.
Dont on dira copieusement, entre
Femenin sexe, estre fecond ton ventre,
Ayant porté le Rameau bien heureux
Du lis Royal fertile et plantureux.
Dieu te doint donc joye et convalescence
Duc qui n’as point encores congnoissance
Que c’est de toy, de ta race et valeur,
Que l’on paindra de plus vive couleur
Lors que celuy qui ça bas t’a faict naistre,
De petit aage en grand te fera croistre.
Toy noble Dame où gist un desir grand
De Charité, tout autre denigrant,
Vy en espoir attendant le temps beau,
Que tu verras estre creu ton Rameau
Qui à son tour pretend à la Couronne,
Qui des grands Roys le chef noble environne.
Et ce pendant ne soit ton cueur marry,
Du don d’Habert Poëte de Berry.