Ciceron dict (
tresillustre Princesse)
Que ceulx le tiltre ont acquis de Richesse,
Qui ont les sens bien ornez, et vestus
De sages mœurs, et louables Vertus.
Certainement c’est un propos subtil,
Combien qu’il soit annoncé d’un Gentil :
C’est un propos d’une humaine lecture,
Mais approchant de divine escripture :
Car la richesse (à vérité parler)
C’est un sçavoir que Dieu veult reveler
A ses esleus, qui ont chassé arriere
L’obscurité, pour venir en lumiere.
Ceste lumiere, helas, c’est le Seigneur,
Qui luy-mesme est de richesse enseigneur,
Promise à ceulx et celles qui ont Foy,
Et veullent vivre et mourir en sa Loy.
Celle richesse admirable et exquise,
Ne sera par les mondains acquise,
Qui font leur Dieu de temporalité,
De folz honneurs, loing de tranquilité
Spirituelle, où dire j’ose bien,
Que tu congnoys l’effect de ce grand bien,
Qui sauvera l’humaine creature.
Car si bien est instruicte ta nature,
Que des Thresors que le siecle t’ordonne,
Ta prompte main les vertueux guerdonne,
Dont Orateurs, et Poëtes de preis,
Ont de ta main liberale compris
Un grand profict, et jour en jour reçoivent
Des Thresoriers, lesquelz rien ne leur doibvent,
Qui faict florir de ta noble Origine
L’arbre bien nay, jusques à la racine.
Dont sans mentir la Françoyse contrée,
Bien heureuse est de t’avoir rencontrée,
Puis qu’
un Daulphin plus beau que ceulx de mer,
D’amour si haulte ha conclud de t’aymer.
Hespaigne en ha une joye infinie,
Et desormais toute la Germanie,
Qui prevoyant l’effect de Paix qui regne,
Cheminera par l’un et l’autre regne.
Car qui jadis furent noz ennemys,
Ores seront noz fideles amys.
Plus ne sera le Coq environné
De l’œil veillant de
l’Aigle couronné.
A tout le moins si
l’Aigle l’environne
Il l’aymera d’une alliance bonne.
En ce discours de grand felicité,
Il fault que l’homme ait le cueur incité
A ce thresor, dont je fais mention
En ma Juno, qui d’humble affection
(
Noble Daulphine) à tes yeux se presente.
Tu en seras (ce croy je) plus contente
Que tu ne fus quand ton visage humain
Le daigna prendre à la court de ma main.
Depuis ce temps par façon coustumiere
Je l’ay reveu pour le mettre en lumiere :
A celle fin, que tant de regardants
Ostent de luy leurs visages mordants :
Et que voyans ton nom qui l’accompagne,
S’il est mal faict, le mesdisant l’espargne.
Tu y verras (peult estre) quelque chose,
Qui n’estoit pas en la premiere enclose.
Ceste Juno est de plus grand valeur,
Paincte je l’ay de plus vive couleur,
En adjoustant ce qui est necessaire,
Pour les Lecteurs au sens divin attraire,
L’ayant voulu (pour mieulx l’œuvre estimer)
Faire à Lyon nettement Imprimer,
Par gents qui ont ma Juno mieulx limee,
Que Poësie à Paris Imprimée.
Doncques reçoy ce petit livre en gré
De
ton servant, qui n’a point de degré :
Mais il vouldroit te bien complaire, à fin
Qu’il soit le serf du
beau Royal Daulphin.
Qui est plus grand que ceulx de l’eau sallée,
Et pour lequel ma Muse est distillée,
En luy donnant la Nouvelle Pallas,
Pour luy donner passetemps et soulas.
Certes à luy je me voue et me donne,
N’ayant espoir que Dieu plus me guerdonne,
Que de m’oyr de sa haulte Province,
Pour me donner à
si excellent Prince.
Fin de l’espistre.